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Les 100 kms du Périgord Noir

jeudi 5 mai 2011, par Bernard Lavergne

Belvès , un des plus beau village de France situé en Dordogne, le samedi 16 avril 2011-7h55. Je suis proche de la ligne de départ, j’ai les jambes un peu molle et le stress m’envahit, c’est la première fois que je ressens un tel sentiment avant le départ d’une course, je me sens seul autour de moi aucun visage connu, ils sont où, Alain, Christian, Gilles, Jean-Luc,Philippe,Bertrand, Philou.... . Je n’ai ni les qualités, ni le physique d’un coureur d’ultra mais j’ai l’envie, l’énorme, la folle envie d’y parvenir, de me confronter à cette peur et au doute pour mieux les apprivoiser. Je vais tenter de vivre cette course comme un vrai bonheur et de découvrir tout au long des kilomètres toutes les angoisses et certitudes qui naissent pendant une telle épreuve.

8 H 00- Gros coup de canon, c’est le départ, les fous sont lâchés je me suis volontairement placé en fin de peloton pour éviter d’être emporté par le flot des coureurs et échapper ainsi à un départ trop rapide. Après un tour dans le village fortifié de Belvés, j’attaque les 3,5 km de descente pour rejoindre la vallée de la Dordogne, et dire que dans une douzaine d’heure il faudra que je la remonte, dans quel état serai-je ?

Kilomètre 7, mon coach Sylvie me rejoint en vélo, elle est frigorifiée, nous avons un soleil magnifique, mais la température est de 0°C, il y a de la gelée blanche dans les champs. Ça y est le binôme est constitué et nous voilà parti pour 12 heures de course du moins je l’espère !!. J’ai l’impression de perdre mon temps, mais je me dis ne fait pas le c.. , il faut durer, c’est dur de se retenir quand le corps demande d’aller à une cadence au dessus.

Les kilomètres défilent vite 10,20,30 le parcours est relativement plat, la bonne ambiance règne, la température remonte et il commence à faire chaud. Les ravitaillements sont nombreux et bien approvisionnés environ tous les 4 à 5 kilo. Kilomètres 30, je traverse le village de La Roque Gageac au bout de 3 heures 15, je suis bien, c’est à partir de maintenant que le parcours devient plus bosselé, c’est une succession de côte qu’il vaut mieux monter cool pour ne pas se cramer, le maitre mot étant : il faut durer. Je passe le mur du marathon 35 et je me dirige vers le 42 kilomètres sans souffrir outre mesure, sauf qu’il commence à faire chaud, même très chaud, il est environ 13 heures, la température est d’environ 30°C. J’attaque la remonté sur Sarlat la Caneda par l’ancienne voie ferrée, nous sommes à l’ombre c’est un peu mieux, beaucoup de coureurs souffrent, ils sont à la peine surtout pour ceux qui ne font que le 50 km, le moral est bon,

Kilomètres 50, j’arrive à Sarlat en 6 h 03 mn, température 32°C, premier objectif atteint, un petit tour chez les masseurs et c’est reparti, pas le temps d’aller faire un tour au marché qui est si bucolique en été, on n’est pas là pour aller goûter le foie gras et les confits façon Sarladaise. Le plus dur reste à faire. Du kilo 30 au 65, ce n’est qu’une succession de côte et forcément de descente qui font mal surtout les descentes.

Nous sommes de plus en plus isolé, je te double, tu me doubles, je te redouble,,,,, Kilomètres 70, 9 heures de course, le château de Castelnaud avec ses remparts et ses catapultes est en vue, ça commence à tirer sur le bonhomme, c’est là que le suiveur rentre en jeu pour motiver les troupes et remettre les choses dans le sens de la marche. A partir de maintenant, il ne faut plus se fixer que les kilomètres de 5 en 5. J’ai une grosse fatigue et la chaleur est Terrible. Kilomètres 75, je viens de passer le château des Millandes qui a appartenu à Joséphine Baker c’est dur dur très dur, il y a 3 kilomètres de côtes infernales.

Kilomètres 80, je me refais une santé au ravitaillement, comme toujours les stands sont bien approvisionnés, ici ils font des crêpes aux sucres divinement bonnes, pour un peu je prendrai une bollé de cidre. Mais il faut repartir, Sylvie me motive, plus que 20 km, tu vas y arriver, on n’est pas venu pour rien, pour sûr que je vais les faire, même à 4 pattes s’il le faut !! Je repars, la crêpe ma requinqué du moins pour l’instant, je ne renonce pas, je pense à tous ceux qui m’ont encouragé les semaines avant mon départ et ça me motive. C’est fou comme les coureurs sont parsemés, ils sont seuls dans leur tête, sur le parcours, pourtant on était nombreux au départ. Même avec les accompagnateurs, on est seul face à sa douleur à combattre. Kilomètres 90, ça y est les crampes arrivent, ils commencent à faire froid, la température chute brutalement en changeant de rive de la Dordogne, de 30°c on passe rapidement à 10°c, le ravitaillement est là, je bois , je vomis, je ne suis pas bien, une idée d’abandon me traverse l’esprit, je m’engueule, Sylvie une fois de plus me motive, elle me rappelle pourquoi on est là. Ce n’était qu’une idée !!! je repars je marche je trottine, je marche.... la fin va être terrible, je cours sur le fil des crampes, trop vite elles arrivent, trop lentement elles arrivent. La tête prends le dessus je me bouscule, je m’engueule, je parle fort. C’est quand même génial cette sensation, on souffre, mais à la fois on se sent agréablement bien dans sa peau. Tiens un coureur me dépasse, ça faisait longtemps, je ne peux pas le prendre il va trop vite ou moi je suis trop cramé, je le reconnais, il avait fait un malaise au 75 kilo et les secouristes lui avaient mis de l’oxygène, il est boosté, moi la seule chose que j’ai c’est une bombe anti-crevaison.

Le seul but maintenant c’est d’avancer kilomètres après kilomètres et il me semble qu’ils sont plus long qu’à Brains. Kilomètres 95, température 5°C ? il fait froid l’amplitude thermique est incroyable, un bénévole m’a habillé avec un sac poubelle, j’avance plus que je ne cours, plus que 5 kilo, à la sortie du village de Siorac, j’entends la sono de l’arrivée, il fait nuit noire, et c’est le seul point sonore qui me fait avancer, je n’ai aucun repère visuel. A partir de maintenant, j’attaque la montée sur Belvès, ça y est je sais que je vais boucler mon 100 km, même avec les dents je le finirai ce 100 km. Sylvie me suis, m’encourage elle marche à côté de son vélo pour être encore plus prés de moi ( de toutes façon j’ai tellement de crampe et peu de vitesse qu’elle risque de tomber). Le pourcentage augmente, je tiens le bon bout. Le téléphone sonne, même à distance je reçois des encouragements de la jeunesse restée à Brains ( ils se reconnaitront), ça cri, ça chante, ça fait du bien, ça motive. Sorti de virage, Belvès est là, scintillant dans sa lumière, plus que 3,2,1 km la pente est dure, mais la tète est là pour faire avancer les jambes et elle me répète que je n’ai pas de crampe, la ligne d’arrivée est toute proche, la sono donne à fond, je tiens mon « graal », ça y est je vois la ligne, Sylvie m’encourage, le speaker à la sono m’encourage et aussi le public qui attends chacun son coureur . Je voulais passer la ligne en petite foulée, mais je ne peux pas, les crampes l’emporte sur la volonté.

Kilomètres 100, il est 22 h 53 je viens d’accomplir mon rêve, on me remet une belle médaille autour du cou, je suis ému, j’embrasse mon coach « suiveur motiveur », j’ai envie de pleurer mais je suis trop sec pour cela, je n’ai plus une goutte d’eau dans le corps. Je finis à la 292ième place sur 500 au départ et 387 classés à l’arrivée avec un temps de 14h53, temps certes modeste, mais un rêve accompli . Que du bonheur, malgré la souffrance et quelques petits ennuis de santé à l’issue.


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